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Des huîtres dans le Médoc ! 

 

Alors que l’affinage des huîtres dans les marais du Médoc est de nouveau autorisé depuis juillet 2014, les retombées économiques, pour la dizaine d’ostréiculteurs désormais installés, commencent à se faire ressentir. Le développement de cette activité ne pourrait en être qu’à ses débuts… 

 

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, les huîtres ne se trouvent pas uniquement sur le Bassin d’Arcachon. Depuis quelques années, l’ostréiculture se développe aussi le long de l’estuaire… dans le Médoc ! Ils sont d’ailleurs aujourd’hui une dizaine d’ostréiculteurs à s’être installés dans les marais bordant la Gironde pour y pratiquer l’affinage, cette étape dans la production qui permet à l’huître adulte, placée dans des bassins d’eau moins salée et riche en plancton, de prendre en chair, en goût et en couleur.

 

Il faut dire que l’estuaire est très riche et particulièrement propice à son développement : « c’est une vraie soupe pour les huîtres, elles peuvent manger du plancton 24h/24. Elles vont donc grossir et prendre en chair très rapidement », explique Bertrand Iung. Cet aquaculteur du Verdon est l’un des premiers à s’être installé en 1989. Mais si aujourd’hui son affaire marche plutôt bien, il a dû attendre 25 ans avant d’obtenir l’autorisation de faire des huîtres… Et pour cause, l’affinage des huîtres dans les marais du Médoc est une activité qui a longtemps été interdite. Pour comprendre pourquoi, il faut remonter quarante ans en arrière…

 

Découverte du cadmium 

 

À cette époque, la pêche de l’huître dans l’estuaire est intensive et fait vivre des milliers de familles, chacune possédant sa petite cabane de pêche. L’huître de l’estuaire est exportée dans la France entière. Mais plusieurs facteurs font peu à peu disparaître l’activité. Il y a d’abord dans les années 1970, la volonté du port de Bordeaux de créer une zone industrialo-portuaire au Verdon pour accueillir de gros navires. Le port bloque à l’époque 10 000 hectares de terrain le long de l’estuaire et exproprie sur une trentaine de kilomètres les parcs à huîtres pour réaliser les installations portuaires. Ces aménagements mettent fin aux activités ostréicoles. Un gros chantier qui s’avère être inutile puisque le port ne sera finalement jamais exploité.

 

En 1988, l’ostréiculture connaît un nouveau coup dur, cette fois irrévocable. Après des analyses, des scientifiques relèvent la présence de quatre métaux dans l’eau de l’estuaire, dont du cadmium. Ce métal lourd qui provient d’une mine de zinc dans le massif central, a progressivement pollué les eaux du bassin de Decazeville, puis le Lot, la Garonne et finalement la Gironde… Cette découverte signe définitivement l’interdiction de la pêche de l’huître dans l’estuaire. Une situation terrible pour les nombreux pêcheurs. Si certains sont indemnisés et se réinstallent à Arcachon, d’autres doivent tout simplement cesser leur activité.

 

Lancement d’une phase de test 

 

Pendant des années donc, l’huître est oubliée. Jusqu’à ce qu’un élu, persuadé du potentiel économique du secteur, décide de renouer avec l’estuaire. « Avec d’autres élus et des professionnels de la pêche, également titillés par la question des huîtres, nous avons constitué un groupe de travail autour de cette question », explique aujourd’hui Franck Laporte, maire de Talais. « Nous souhaitions surtout voir s’il était possible de placer des huîtres dans les marais pour faire de l’affinage ». En 2011, ils lancent alors une étude en partenariat avec l’université de Bordeaux. Les fonds nécessaires pour l’expérimentation, à savoir, 120 000 euros, sont rapidement récoltés. L’opération est lancée entre l’automne 2012 et février 2014 et consiste en quatre tests  :

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- le placement d’huîtres saines du bassin d’Arcachon dans les marais du Médoc;

- le placement d’huîtres de l’estuaire dans les marais du Médoc;

- le placement d’huîtres de l’estuaire sur le grand banc à Arcachon;

- le placement de naissain de l’île de Ré dans les marais du Médoc.

 

Après deux périodes de tests de six mois, les résultats se révèlent être plus qu’encourageants : les huîtres saines d’Arcachon placées dans les marais se contaminent au cadmium sans dépasser les 50% du seuil autorisé et les huîtres de l’estuaire placées dans les marais se décontaminent également jusqu’à la moitié du seuil autorisé. « Avec des résultats aussi favorables, nous avons fait dans la foulée une demande officielle d’autorisation d’affinage au préfet. Et le 4 juillet 2014, celui-ci a signé un arrêté classant 3 500 hectares de mattes en catégorie B, permettant l’affinage des huîtres pendant une durée maximum de trois mois avec obligation de purification pendant 24 heures », se félicite Franck Laporte. 

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Dès l’automne 2014, sept professionnels, dont Bertrand Iung, se lancent dans l’affinage des huîtres dans les marais. L’activité reprend son cours. L’extrême rapidité du développement des huîtres incite le maire de Talais à faire une nouvelle demande au préfet : celle de l’allongement de la période d’affinage pour envisager des périodes de pré-grossissement afin que la production soit plus rapide. L’arrêté est accepté le 23 novembre 2016 : « Cela a permis aux ostréiculteurs de gagner un an sur le cycle d’élevage, explique Franck Laporte, ils ont désormais la possibilité de faire des huîtres en deux ans et demi alors qu’il en fallait trois et demi ». 

 

Depuis, l’activité ostréicole se développe à nouveau dans les marais. « On a beaucoup progressé depuis deux ans et demi. Je suis passé de 5 tonnes de production à l’année à 12, 13 tonnes environ aujourd’hui. Je peux dire que j’ai trouvé ma clientèle, explique Bertrand Iung. Je vais aussi créer un poste supplémentaire d’ici peu, voir un deuxième ensuite. Nous sommes déjà trois à travailler sur le parc. Ce qui est positif avec les marais, c’est que l’on peut intervenir jour et nuit, on n’est pas contraint par les marées et l’huître pousse très vite, il y a beaucoup de travail », poursuit-il.

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Bientôt le retour de la pêche ? 

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Et pour le maire de Talais, ce développement n’en est qu’à ses débuts. Comme il l’explique, le port de Bordeaux, propriétaire de nombreux marais dans le Médoc, va prochainement engager des travaux de réfection des écluses et d’accès de l’eau aux marais. Il souhaite également lancer des appels à candidatures pour l’attribution d’une dizaine d’hectares afin de permettre à deux ou trois exploitations de s’installer. 

 

Par ailleurs, de nouvelles études sont lancées sur le suivi de la qualité de l’eau de l’estuaire. L’étude qui est en cours sur le cadmium devrait s’achever à la fin de l’année. Si cela n’est, pour l’heure, pas encore envisageable, le maire de Talais espère bien à terme renouer avec la pêche de l’huître sur l’estuaire de la Gironde car, comme il l’assure, « il y en a des centaines de tonnes ». 

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